HEAT : Ça chauffe sous le capot !
Répétez après moi :
« Un chauffeur bien chaussé sait chauffer son char sans son chien »
Et maintenant que je me suis bien réchauffé la langue, je suis fin prêt à vous parler de HEAT, le sympathique jeu de course automobile pour 1 à 6 joueurs, conçu par les danois Asger Harding Granerud et Daniel Skjold Pedersen (Flamme Rouge, Copenhagen) et publié par Days of Wonder (Les Aventuriers du Rail, Five Tribes, Mémoire ’44). Entendez-vous mon enthousiasme qui vrombit sous mon capot ?
HEAT a été lancé en 2022, mais il a connu un tel succès depuis sa sortie qu’on n’a pas eu la chance de le voir souvent sur les tablettes de votre magasin préféré, parce que les copies s’envolent (littéralement) comme des petits pains… chauds !
Quoi? Un jeu qui peut se jouer jusqu’à SIX joueurs en une heure ou moins ? Qui s’apprend facilement, dès le premier tour de piste ? Qui plaira autant aux débutants qu’aux experts ? Qui propose tout plein de contenu pour varier les expériences de jeu ? Voilà qui a de quoi réchauffer nos petits cœurs de ludistes assoiffés de plaisir !
La seule chose qui ne chauffe pas, avec HEAT, c’est le climat : c’est la course de voitures la plus carboneutre qui soit !
HEAT, sur le banc d’essai
L’une des choses qui frappe en ouvrant la boîte de HEAT, c’est la quantité de matériel qui nous attend. Le jeu de base nous offre deux plateaux de jeu réversibles, pour un total de quatre circuits de course différents… et une tonne de cartes : les cartes de base pour six joueurs, et le matériel pour quatre modules de jeu supplémentaires qu’on peut choisir d’intégrer ou non à chaque partie. Et la boîte est merveilleusement bien conçue (c’est rare et c’est vraiment apprécié!) pour ranger tout ça proprement. Les plus perspicaces parmi vous remarqueront sans doute que Days of Wonder a déjà prévu l’espace nécessaire pour des extensions à venir… notamment pour intégrer éventuellement deux joueurs supplémentaires, pour un total de 8 !
HEAT poursuit une tendance que j’observe chez certains éditeurs depuis quelques années, celle de présenter deux livrets de règles distincts : le premier, pour apprendre à jouer rapidement avec les règles de base, le second qui explique les modules avancés. Ici, c’est très bien fait : le livret est court, logique et bien illustré, quoiqu’un peu chargé visuellement. Mais il nous apprend rapidement tout ce qu’il faut savoir pour démarrer une première partie, et on aura peu besoin de s’y référer par la suite, parce que les règles sont claires et que je le jeu est, somme toute, très simple !
La mise en place est rapide : on choisit un circuit (certains sont plus difficiles que d’autres), et chaque joueur récupère le matériel de sa couleur : plateau de jeu, cartes de base et figurines (sa petite voiture et un pion représentant un levier de vitesse). En fonction du circuit choisi, les joueurs placent sur leur emplacement « moteur » un certain nombre de cartes HEAT et dans leur paquet de cartes un certain nombre de cartes STRESS. On tire au hasard l’ordre de départ des voitures, chaque joueur place son levier en première vitesse, mélange ses cartes et forme sa pioche où il pige sept cartes. Et c’est un départ !
Comment ça marche ?
Dans HEAT, les cartes de votre main représentent la distance que vous pourrez faire parcourir à votre voiture pendant votre tour. En première vitesse, on joue une seule carte; en seconde, deux cartes, et ainsi de suite jusqu’à la quatrième vitesse, qui est celle qui nous permet de jouer le plus de cartes.
Le thème du jeu est extrêmement bien intégré à ses mécaniques : comme avec une vraie voiture, on voudra augmenter ou diminuer notre vitesse progressivement, question d’éviter d’endommager notre précieux moteur. Ainsi, lorsqu’on est en première vitesse, on peut choisir d’y rester (et de jouer une seule carte) OU de passer en seconde vitesse (et de jouer deux cartes). Mais on pourrait aussi être tenté par un départ plus rocambolesque, et passer de la première à la troisième vitesse dès le premier tour, ce qui nous permettrait de prendre les devants… à nos risques et périls !
En effet, lorsqu’on brusque anormalement notre voiture (par exemple, en passant subitement de la première à la troisième vitesse, ou de la troisième à la première), notre moteur surchauffe, et on déplace alors une carte HEAT de notre moteur vers notre défausse. Et les cartes HEAT, c’est pas bon ! Elles ne permettent pas de faire avancer notre voiture et elles restent « coincées » dans notre main jusqu’à ce qu’on puisse s’en débarrasser en refroidissant notre moteur (c’est-à-dire en demeurant à basse vitesse). Bref, plus on accumule de surchauffe, moins on a d’options aux tours subséquents.
La tension monte encore d’un cran lorsque les joueurs doivent négocier les virages. Encore là, c’est très thématique : on ne peut pas entrer à toute vitesse dans un virage en épingle, au risque de faire une sortie de route ! Dans HEAT, c’est la même chose. Le plateau de jeu précise la vitesse maximale (la somme des cartes jouées pendant ce tour) à laquelle chaque virage peut être traversé. Plus on dépasse la vitesse prescrite dans un virage, plus on fait surchauffer notre moteur. Et s’il n’y a plus suffisamment de cartes HEAT sur notre moteur pour payer la manoeuvre, alors c’est la catastrophe : on fait une sortie de route, on reste coincé au début du virage et on doit redémarrer au prochain tour en première vitesse, en plus d’ajouter des cartes STRESS à notre paquet.
C’est quoi, les cartes STRESS ? Ce sont aussi des cartes négatives qui s’accumulent dans notre main et dont on ne peut se débarrasser qu’en les jouant; elles représentent la tension nerveuse qui s’accumule chez notre pilote ! Les cartes STRESS ajoutent un élément incontrôlable à notre vitesse : chacune d’elles fera avancer notre voiture de 1 à 4 cases, au hasard ! Inutile de dire qu’il est risqué de les jouer dans les virages où la vitesse doit être calculée avec précision…
C’est bien là le coeur stratégique de HEAT : malgré l’étonnante simplicité du jeu, pour devenir un as du volant, il faut apprendre à discerner à quel moment il est opportun de pousser les limites de notre véhicule et à quel moment il est plus sage de le ménager; à quel moment notre pilote peut évacuer son stress sans trop de danger et à quel moment il est impératif d’avoir le contrôle parfait de la voiture. Les joueurs trop imprudents se retrouveront rapidement en queue de peloton, paralysés par le stress et la surchauffe qu’ils ont du mal à éliminer; et inversement, les joueurs trop prudents auront du mal à se tailler une place sur le podium, parce que c’est une course, ne l’oublions pas, ce n’est pas la balade du dimanche dans le vieux Buick de Mononc’ Gaétan. La victoire exige donc que l’on prenne des risques, mais des risques savamment calculés!)
Et voilà, en gros, c’est ça, HEAT ! Le premier joueur à compléter deux tours de circuit gagne la partie !
Et les modules ?
La boîte de base de HEAT propose quatre modules additionnels qu’on peut intégrer au jeu, en tout ou en partie, lorsque les joueurs sont suffisamment à l’aise. Mais avant de se lancer, il faut savoir que certains de ces modules peuvent allonger la durée des parties, en ajoutant des règles ou en modifiant celles du jeu de base.
Le module GARAGE permet aux joueurs de personnaliser leur véhicule (leur paquet de cartes personnel) avant chaque course. Au début de chaque partie, chaque joueur choisira trois améliorations de véhicule parmi une sélection aléatoire (il y a, au total, 96 cartes d’amélioration). Meilleure capacité de surchauffe ? De meilleurs freins ? Un carburant super performant (et super illégal) ? Choisissez ce qui vous semble le plus opportun en fonction du circuit sur lequel vous piloterez !
Le module LÉGENDES permet d’ajouter des pilotes automatisés. C’est le module qui vous permet de jouer en solo contre un à cinq adversaires, si vous le souhaitez, mais vous pouvez aussi intégrer les pilotes automatisés dans une partie à plusieurs joueurs. À ce titre, je mentionnerais au passage que, même si HEAT fonctionne bien à deux ou trois joueurs, l’idéal selon moi est d’avoir au moins quatre véhicules en piste pour que les courses soient plus intéressantes.
Le module MÉTÉO ET CONDITIONS ROUTIÈRES intègre les aléas de Dame Nature à la course ! La météo générale aura des effets sur votre paquet de départ (par exemple, un temps pluvieux est plus stressant pour les pilotes!) et l’état de la chaussée peut donner des avantages ou des inconvénients dans certains tronçons du circuit. Ce module ajoute une couche de complexité et de stratégie au jeu de base.
Finalement, le module CHAMPIONNAT, qui réunit tous les autres modules, permet aux joueurs de se lancer dans une série de trois courses au terme desquelles sera couronné le champion de HEAT! Ici encore, plein de petits ajouts pour enrichir l’expérience du jeu de base. En accomplissant des objectifs ou en impressionnant les journalistes dans certains virages, on gagne des cartes « commandites » (cartes à usage unique, aux effets très avantageux). Les pilotes décrochant les trois premières positions de chaque course gagnent des points, et le pilote ayant le plus haut total après trois courses gagne le championnat !
Alors… on en pense quoi ?
À tous les points de vue, HEAT est un jeu qui impressionne par la finesse de sa conception. Asger Harding Granerud a repris l’esprit de son jeu de course cycliste Flamme Rouge et a réussi à le surpasser, à le réinventer, à lui donner une ampleur qui lui manquait peut-être un peu. La première impression que m’a donnée HEAT, c’est celle d’un jeu complet. À une époque où, parfois, les jeux nous déçoivent par leur maigre contenu dissimulé dans une trop grande boîte, avec HEAT, j’ai l’impression d’en avoir pour mon argent. C’est un jeu qui n’a pas besoin d’une ou deux extensions (ou trois ou quatre) pour briller; il brille déjà, et son indéniable popularité en est la preuve. Cela dit, les extensions vont venir, c’est écrit dans le ciel… Est-ce que HEAT deviendra le prochain Aventuriers du Rail, avec des dizaines d’extensions et de circuits différents ? C’est fort possible…
On aime :
- La simplicité d’apprentissage malgré l’excellent potentiel stratégique;
- L’intégration judicieuse du thème dans les mécaniques de jeu;
- Les interactions entre les joueurs et le dynamisme;
- La grande rejouabilité, tant dans le jeu de base qu’avec les modules;
- La rapidité des tours et des parties : pas le temps de s’ennuyer!
On aime moins…
- L’épaisseur des cartes. Comme pour les autres jeux édités par Days of Wonder (je pense à toi, Aventuriers du Rail!) je trouve que les cartes sont un peu minces, surtout qu’on doit les manipuler beaucoup. Il faut prévoir que les cartes vont s’user assez rapidement. Personnellement, j’y trouve un certain charme, mais d’autres préféreront peut-être utiliser des protecteurs plastique pour garder leurs cartes bien propres et bien droites !
- Les parties à deux ou trois joueurs. Les courses sont moins palpitantes à moins de quatre joueurs (mais comme on peut facilement rajouter des automates grâce aux modules, disons que ça compense un peu !)
-Mat
Pour vous procurer cet incontournable, c'est par ici:
En version française : https://www.asdesjeux.com/products/heat-vf
En version anglaise : https://www.asdesjeux.com/products/heat-pedal-to-the-metal-va
1-6 joueurs
60 minutes
10 ans et +
Excellente critique, bien écrite, qui rejoint entièrement mon appréciation du jeu. J’ajouterais la qualité du design et de la conception graphique qui positionne très bien le jeu dans son contexte historique (tous ces tons naturels “poussiéreux”…) C’est un beau jeu à donner et à recevoir (je l’ai d’ailleurs reçu en cadeau d’anniversaire).
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