Sobek : la faveur des dieux ne s’achète pas, sauf que…
Blogue par: Bibz et Mooh
Aaaahhhh… L’automne. Les feuilles mortes. La pluie. Les odeurs. Mais surtout, SURTOUT, le début du cocooning en série. Quoi, sommes-nous les seuls à aimer se cajoler à une fréquence inhumaine, une fois l’automne arrivé? Cabrel avait raison, octobre prend sa revanche, mais si, comme nous, vous affectionnez le passe-temps ludique en duo, nous avons une solution pour les longs après-midis lugubres qui viennent annoncer l’hiver…
Voici donc, pour le plus grand plaisir de tous, un charmant petit jeu de Bruno Cathala et Sébastien Pauchon : Sobek 2 joueurs (oui, « 2 joueurs » fait techniquement partie de l’appellation, parce qu’il se veut une réinvention plus concentrée de Sobek, sorti en 2010). Notez que nous n’avons pas tenté l’expérience du grand frère Sobek, seulement du diminutif frangin – cette critique ne sera donc teintée que par notre appréciation de ce dernier.
Le cœur
Sobek est en soi un jeu de pioche de tuile (tile drafting) et de collection d’ensembles (set collection), avec un tout petit peu de « prends ça! »… En majeure partie on cherche à amasser des produits du marché, à rallier divers marchands et autres associés, et à vendre pour les plus gros profits (et le plus grand plaisir de l’éponyme dieu Sobek, bien évidemment). Le marchand avec le plus de richesse en fin de partie remporte la victoire et la faveur de Sobek. Mais attention : qui dit sens des affaires dit parfois (souvent) corruption; vous devrez par conséquent tâcher de garder les mains propres. Et c’est tout sauf facile…
Le look
La première chose qu’on note, une fois le jeu mis en place, c’est la beauté colorée du jeu : même dans sa simplicité, le jeu offre aux yeux des couleurs vives, des personnages dont la personnalité brille, et des produits à vendre qui, franchement, donne envie d’être soi-même marchand… Le look, en fait, ressemble à l’enfant que les personnages de Santorini auraient eu avec ceux d’Astérix (prenez cette image mentale gratuite, allez). Bref : c’est joli, cartoony à souhait!
Le matériel est agréable à manipuler et ne fait pas craindre qu’on le brise par inadvertance – un bon carton épais, fiable. Le seul bémol, ici, sont les deux aides de jeu, qui sont en mince papier cartonné. Ceci dit, ce ne sont pas ces éléments de jeu que l’on manipule le plus durant la partie. L’Ankh, quant à lui, est en bon vieux bois. Comme c’est une des pièces les plus importantes pour le déroulement de la partie, c’est là un choix judicieux. Pas trop de risque de le briser, à moins bien sûr que toutou mette la patte et/ou la dent dessus (aucun Ankh n’a été blessé pendant la rédaction de ce blogue).
Le déroulement de la partie
Après avoir désigné un joueur pour débuter, le jeu se déroule (sauf rare exception) toujours en alternance. À son tour, un joueur a le choix entre trois actions :
- Piocher une tuile du marché
- Vendre un lot de marchandises (composé de trois tuiles ou plus)
- Jouer une tuile personnage
La pioche de tuile est le nœud de la guerre dans Sobek. Non seulement c’est de cette façon qu’on amasse des ensembles de tuiles pour vendre ou des personnages pour jouer ou compléter un ensemble, mais en plus, chaque pioche effectuée influence le tour du joueur suivant. C’est là, d’ailleurs que le fameux Ankh susmentionné prend tout son sens : lorsqu’on pioche une tuile, on doit placer sur l’emplacement laissé vide le jeton Ankh, dans la direction correspondant aux deux marques plus foncées sur la tuile piochée (voir photos). L’Ankh, ainsi disposé, désigne à l’autre joueur l’horizontale, la vertical ou la diagonale sur laquelle il sera autorisé à piocher à son tour.
Vous commencez à voir l’importance et la sournoiserie du système de pioche? Un peu comme dans Kingdomino (du même Cathala, d’ailleurs), une tuile pourrait s’avérer plus payante et utile pour nous, mais la choisir permettrait alors à l’adversaire de s’emparer d’une autre qui, compte tenu de ce que ce dernier récolte depuis le début, lui serait encore plus profitable… De plus, faire en sorte que l’adversaire soit dans l’impossibilité de choisir une tuile pourrait tout à fait mettre abruptement fin à la partie (ce qui pourrait être positif, remarquez, si on est déjà en avance côté score).
C’est là ce qui nous a le plus plu, dans Sobek. Le délicat choix entre le profit immédiat pour soi et le profit immédiat pour l’adversaire… Bon, il est évident que puisque la mise en place du plateau est aléatoire, on ne se retrouve pas toujours avec les mêmes situations – ce qui favorise la rejouabilité – mais il y a fort à parier que les décisions que vous aurez à prendre, d’un tour à l’autre, seront parfois faciles et sûres, parfois lourdes de conséquences…
Comme on le voit sur les photos, les personnages sur le plateau de marchandises sont face cachée. C’est voulu, parce que les personnages sont d’importantes tuiles qui peuvent faire pencher le cours de la partie d’un côté ou de l’autre. Chaque tuile personnage a deux utilités : soit elle représente elle aussi une marchandise en particulier (indiquée dans le coin supérieur gauche) et est utilisée afin de compléter un lot à vendre, soit elle est jouée lors d’un tour afin d’activer son pouvoir unique (après quoi la tuile est défaussée).
Les pouvoirs des personnages sont variés, et, selon nos observations de testeurs extraordinaires, pratiquement toujours utiles. Certains permettent de réduire le total de tuiles que l’autre joueur a en main, d’autres permettent de retirer des tuiles de notre pile de corruption (on y vient, d’ailleurs), d’autres encore offrent au joueur la possibilité de choisir n’importe quelle tuile du plateau, sans justement accumuler de corruption, ni déplacer l’Ankh… Bref, il y en a pour tous les goûts, pour le Scribe comme pour le Grand Prêtre!
La corruption (enfin!) s’accumule lorsqu’on « saute » des tuiles afin d’en prendre une en particulier. Si la tuile qui nous intéresse, dans une des directions ou l’Ankh pointe, n’est pas la première, aucun problème : on pioche simplement celle qu’on convoite, puis on prend celles qui ont été sautées et on les place sur notre pile de corruption. Les tuiles ainsi accumulées n’enlèvent pas de points en fin de partie, mais elles se veulent le reflet de la réputation de notre marchand : êtes-vous un marchand droit et honnête, ou iriez-vous jusqu’à effrayer les chameaux de votre rival pour arriver à vos fins? Le marchand ayant accumulé le moins de corruption se verra attribuer un jeton Deben (et non un des jeton à Ben, à qui on n’oserait jamais voler un jeton) pour son honnêteté, puis un jeton Deben supplémentaire pour chaque tranche de trois points de corruption le séparant du fourbe de l’autre côté de la table. (Aucun chameau n’a réellement été effrayé pendant la rédaction de ce blogue, mais notre chat s’est vu refusé l’accès à la table, par Bastet!)
Les deux autres éléments à prendre en compte en cours de partie sont les pirogues et les scarabées. Les pirogues sont des jetons obtenus lorsqu’on effectue une vente d’un lot de marchandises. Il n’y en a que cinq de disponible à chaque partie, mais le jeu en contient une bonne douzaine, ce qui promet une autre couche de rejouabilité. Certaines pirogues cachent un bonus de pointage, ou une habileté spéciale, d’autres encore de la corruption – tout n’est pas toujours rose, pour les marchands d’e l’Égypte ancienne!
Quant aux scarabées, ils rappellent fortement les couronnes de Kingdomino : s’il y en a sur les tuiles d’un lot que vous vendez, ils agissent en tant que multiplicateur de score. Si vous vendez quatre tuiles de poisson, qui comptent un total de 3 scarabées, vous marquez donc 12 points en fin de partie. Tout simple, mais qui demande malgré tout son lot de stratégie…
Lorsqu’un des deux joueurs n’a plus d’action possible, donc que l’Ankh ne pointe vers aucune tuile, il n’a pas de lot vendable, ni de personnage à jouer, la partie se termine immédiatement, et on procède au décompte final. C’est alors qu’on connait le meilleur marchand, celui qui se sera attiré la faveur de Sobek!
Le verdict
Sobek 2 joueurs nous a surpris. De longue date, nous préférons jouer à des jeux plus costauds, qui accommodent plus de deux joueurs. Ou encore, si nous nous adonnons à un jeu conçu pour deux joueurs, Patchwork, d’Uwe Rosenberg est notre choix par défaut.
Donc, nous avons été agréablement surpris! La profondeur des décisions prises lors de la pioche de tuiles, le choix du moment où vendre, quand jouer un personnage ou quand le joindre à un lot… Beaucoup plus de profondeur que la simplicité de ses règles et son âge recommandé ne le laisse croire de prime abord…
Ceci dit, cette simplicité est quand même suffisante pour que l’âge recommandé soit effectivement approprié. Les parents connaissent cependant mieux leurs enfants que quiconque, alors à eux de juger de la pertinence de les initier à Sobek plus tôt que le 10 ans figurant sur la boîte!
Au final, pour l’ensemble de son œuvre, Sobek se mérite un solide B+. Il demeurera dans notre collection certainement un bon bout de temps…
Si cette critique vous intéresse, sautez sur votre chameau et dirigez-vous immédiatement à votre boutique L'As des jeux la plus près!
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